La naissance d'une économie de la retraite, qu'elle soit financée par la répartition ou la capitalisation, se profile sur le plan mondial. Le niveau des charges de retraites pose le problème de l'acceptation du risque, qui décroît généralement avec l'âge, par les retraités.

L'éternel débat entre la retraite par capitalisation et par répartition peut se présenter comme un conflit sur la partage du risque macrosocial entre les cotisants actifs et les retraités. Une propension actuelle est de faire assumer par les futurs retraités une part accrue du risque économique et financier.

L' Épargne - Retraite par capitalisation fait participer les retraités au risque à travers les fluctuations des marchés financiers alors que la répartition s'efforce de les en protéger.

Le coût croissant de la retraite accompagne la croissance de nouveaux risques financiers d'une économie mondialisée. Le développement de la retraite par capitalisation par le biais de fonds internationaux a poussé à la globalisation des marchés financiers et à la sophistication des techniques financières.

Si on peut dire que le risque de l'investissement en actions est correctement rémunéré dans la durée et que les actions ont permis une forte valorisation des patrimoines, une mise en perspective pour l'opération retraite ne doit pas occulter de très longues périodes de marasme . Prenons l'exemple du JAPON après la crise asiatique: la Bourse de Tokyo a perdu plus de 70% de sa valeur, les prix de l'immobilier ont chuté de 60% , les créances douteuses atteindraient officiellement encore 57000 Milliards d'euros, les taux d'intérêt à long terme sont inférieurs à 1,5% , le " modèle japonais " ne fonctionne plus... En fin d'année 2002, la reprise japonaise est toujours difficile malgré les changements structurels en cours et au prix de plans de relance très coûteux; la croissance reste négative sur l'exercice (-0,7% PIB en volume). Le taux de chômage atteindrait en 2003 le chiffre de 5,8% de la population active, plus haut niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

L'indice Dow Jones des 30 valeurs industrielles qui se situait à 2500 points fin 1990, a été multiplié depuis par plus de trois mais les inégalités de patrimoines n'ont cessé d'augmenter. Depuis la crise asiatique, la déflation des actifs financiers reste une menace permanente pour la place boursière américaine. La mondialisation conduit à des déséquilibres qui obligent à approfondir les relations entre des nouveaux marchés financiers mondialisés et le risque en cas de chocs précédés de " bulle spéculative ". Le couplage financier entre des économies qui sont loin d'avoir atteint le même stade du cycle économique illustre un des effets pervers de la mondialisation.

Répartition et Capitalisation ?

La Répartition est le mécanisme approprié pour la solidarité, la faiblesse de la croissance économique démasque la chute du rapport démographique et exige une maîtrise permanente du contrat social entre les générations.

La Capitalisation a besoin d'incitations fiscales, avec le développement d'inégales protections résultant de différentes capacités d'épargne; une maîtrise accrue des risques de marché et de gestion est nécessaire.

L'économie du cycle de vie

Devant un partage actuel du temps de travail très inégalitaire, une remise en cause de l'existence en trois périodes aux frontières strictes, formation, vie active, retraite, est posée . Ce profil typique supposait un comportement d'épargne fortement relié à l'âge. L'accumulation patrimoniale correspondait surtout au besoin de revenus pour la retraite face à l'accroissement de l'espérance de vie ou la faible espérance de santé mais se déplaçait aussi vers la constitution volontaire ou non de capital à être transmis.

Cependant , les contraintes de liquidité n'affectent pas seulement les jeunes mais peuvent survenir de plus en plus dans la vie active : l'accroissement du chômage et de la précarité développent à la fois l'épargne de précaution et les contraintes de liquidités. Les exigences économiques générales d'une économie de la retraite, que le système de répartition ou de capitalisation domine , montrent le besoin d'une croissance forte et durable. L'influence du régime de retraite sur le taux d'épargne est paradoxalement très incertaine car tout système engendre sa propre incertitude.

La montée du chômage n'est pas liée à une progression trop rapide de la productivité ( les progrès de celle-ci sont globalement plus faibles quand la croissance est insuffisante, cela se vérifie depuis plus de vingt ans) mais du nombre élevé d'actifs sur le marché du travail et de l'atonie de la demande intérieure depuis le début de la décennie. Ce freinage de la demande est à l'origine d'un cercle cette fois-ci vicieux devant une réaction trop lente aux mutations technologiques en cours.

L'emploi en mutation dans la transition " société industrielle" - "société d'information"

Les technologies de l'information affectent profondément la façon de produire. L'information est la nouvelle matière première ; savoir la traiter et la transporter est devenu un enjeu stratégique. Les fonctions sociales du travail seront profondément affectées par cette mutation. La question posée est alors : l'informatique est-elle prédatrice ou créatrice d'emplois ? La réponse sera différente selon le degré de compétence pour dominer le changement et développer l'innovation. La moindre permanence du lieu de travail conduira à une efficacité de l'organisation tournée vers les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

De nouvelles formes d'organisation qualifiante doivent tenir compte de la fragmentation de l'univers du travail pour recomposer un caractère statutaire de la condition salariale. La flexibilité interne doit être au centre des négociations dans l'entreprise et favoriser l'insertion professionnelle et sociale sans accentuer la précarisation. Après la norme du contrat à durée indéterminée (qui doit rester pour les cadres le lien contractuel naturel), il est vraisemblable qu'un large éventail de contrats de travail verra le jour.

Le contenu des emplois futurs comportera un trait dominant : la compétence associée à une aptitude de conquête du travail. L'accroissement de la marge de liberté du salarié aura pour contrepartie une tension professionnelle toujours soutenue, on reconnaît la condition de beaucoup de cadres actuels. Le rôle du cadre du XXIéme siècle, est basé sur une redéfinition d'un contrat social entreprise/cadres reconnaissant de fortes capacités d'initiatives, de mobilité, de compétences et d'adaptabilité aux échanges d'expertise par le travail en réseaux. Les performances sociales et économiques de l'entreprise s'interpénètrent comme le montrent des analyses statistiques récentes.

Le futur du financement des retraites sur la base du salariat:

Le financement des retraites restera couplé au système du salariat selon la capacité du système économique à créer des emplois en nombre et en qualité : la voie positive ne peut consister à créer plus d'emplois en réduisant toujours davantage les salaires et la protection sociale, sans croissance supplémentaire.

L'une des origines principales du chômage réside dans une création beaucoup trop lente d'emplois tertiaires, c'est à l'inverse un point fort de l'économie américaine pour les services organisés en réseaux dans un cadre tant mondial que national (télécommunications, services financiers, transports, services aux entreprises,...) mais aussi sur une base nationale, régionale et locale (commerces, distribution, hôtellerie, restauration, services collectifs ou de proximité ,...). Les activités liées aux nouvelles technologies de la communication représentent désormais près de la moitié de la croissance américaine.

Les performances dans le secondaire industriel sont très largement tributaires de la qualité des services. L'impact décisif de la recherche et de l'information dans les innovations technologiques suffit pour s'en convaincre. Beaucoup de services tertiaires (santé, éducation, environnement, loisirs,...), souvent entendues comme irruption massive de l'immatériel et du relationnel au cœur des activités économiques, peuvent être quantifiables par leurs contreparties monétaires et sont alors comptabilisées dans le PIB.

L'efficacité économique bien comprise ne serait-elle pas plus sociale dans le temps que des politiques sociales immédiates tournées vers l'assistance. La politique de l'emploi est confrontée à ce dilemme permanent mais il n'est pas sûr que l'on ait " tout essayé " dans le traitement économique du chômage. L'aménagement du travail " vie entière " repose sur l'aptitude à assurer le lien entre travail et financement de la retraite par une nouvelle relation des salariés avec le travail sur, par exemple, des carrières de pluriactivités mieux réparties sur l'ensemble de l'existence.

L'attachement à la retraite par répartition comme fondement de solidarité du système de retraite français reste un point d'ancrage avec des perspectives de carrières plus heurtées dans un environnement économique et social imprévisible sur le long terme. Le déséquilibre croissant dû au vieillissement imposera une réponse aux défis à venir par des choix politiques de leviers renouvelés par les partenaires sociaux pour maintenir le contrat social de la répartition dans le cadre d'un nouveau modèle de croissance et d'une mutation profonde du travail.